Carta d'objeccions a les disposicions de l'edicte de 1700 de Lluís XIV
Transcripció:
«Monseigneur,
»Ce jourdhuy la Cour du Conseil souverain de Roussillon a enregistré
un Edit et declaration de Sa Majesté donné à Versailles le mois de fevrier
dernier portant commandement aux juges, advocats, procureurs et nottaires
de faire depuis le commencement du mois de May prochain les sentences,
toute sorte de procedures et contrats publichs en langue françoise. Comme
il ny a rien qui puisse nous estre plus a coeur que de nous conformer a la
volonté de nostre Souverain nous l'avons reccu avec beaucoup de respect,
soumission et obeissance. Mais puisque Sa Majesté par sa bonté et ses or
donnances a donné de tout temps lieu a ses sujets de lui proposer les in
convenients en son cas pour y remedier en ce qui consiste la principale re
gallie du Prince et l'effait de la bonté qu'il a envers ses sujets, et qu'a
l'execution de cet edit il ne peut laisser de sy rencontrer de l'inconvenient
tres prejudiciable au bien de ses sujets, nous avons crû estre de nostre
devoir de faire nos tres humbles remonstrances a Sa Majesté pour obtenir
une seconde declaration en cas necessaire.
»Nous y avons, Monseigneur, trouvé d'abord de l'impossibilité a l'es
gard des testaments et articles qui agissent en preuve par témoins, et de l'in
convénient quand au contrats de notaires. Car quoyque dans les grandes
villes les habitants en particulier les plus principaux scavent mediocrement
la langue françoise, dans tes petits villages et en particulier a la montagne
qui compose presque la moitié de ce pays les habitants sont si ignorants a
la langue françoise, sens la sçavoir parler, et sont fort peu qui l'entendent.
Ils font ordinairement leurs testaments par main des curés des villages ou
par des nottaires, qui sont aux petites villes et à celles de montagne, qui
ne sçavent non plus la langue françoise qui sont aux dits villages depuis
trente ou quarante ans. Que si les testaments doivent se faire en langue
françoise ny le testateur, ny le curé ou notaire, ny les témoins pourront
entendre la derniere volonté du testateur, et il est certain que la plupart
mourront sens faire testament s'il ne peut estre fait ny conceü qu'en lan
gue françoise.
»Il en arriveroit de méme a l'esgard des enquestes par témoins tant en
civil qu'en criminel, car comme les habitants des grandes villes ont leurs
biens dans les vlllages et montaignes de ce pays, quils doivent se tenir en
cas de procès des personnes, qui font leur residence aux lieux des heritages
pour témoins sans sçavoir la langue françoise, il leur serait presqu'impos
sible de deposer sur un article conceü en langue françoise. Au moins il y
auroit un grand péril de deposer une chose pour une autre faute d'entendre
la langue, et il arriveroit que malheureusement la vie et .les biens depen-
droient de la déposition des témoins qui par leur bonté auroient bien déposé
et par ignorance deposeroient tres mal.
»Ouand aux contrats ils y sont les mesmes raisons puisque les parties
contractantes se trouveront plusieurs, l'un el l'autre qui n'entendront la
langue françoise, mesme les témoins lhors quil s'agira de faire des contrats
dans les villages et montaignes.
»Ouand a la ville de Perpignan, il y a des nottaires françois et catalans
personnes d'un tres grand merite, tres scavants et d'une fidélité sens exem
ple; il ny a qui sont desja advancés en age qui leur seroit impossible de
faire les actes en langue françoise, et il leur seroit un tres grand prejudice
de quiter leurs vacations apres avoir si bien servy longtemps le public et de
se voir reduits a mendier le pain pour eux et leur famille, estant pourtant
personnes a la direction desquelles il y a de la sureté soit par leur science
soit par leur fidelité et droiture.
»C'est pour remedier ces inconveniens que nous avons pris Monseigneur
la liberté d'écrire celle-cy pour supplier tres humblement Vostre Grandeur
d'avoir la bonté de nous accorder votre protection pres la Sacrée personne
du Roy pour obtenir de sa bonté royalle ce qu'elle trouvera a propos pour
le bien de l'Estat et de ses sujets, et en cas necessaire de luy pouvoir faire
plus au long nos tres humbles remonstrances. Nous assurons Vostre Gran
deur que cela sera faire le bien du public de ce pays, que nous esperons de
vostre protection cette grace, que nous continuerons nos prieres pour la
santé et prosperité de la sacrée personne de Sa Majesté, pour le bien de
l'Estat, et de celle de Vostre Grandeur et que nous sommes avec un tres
grand respect et submission.»
El Consell Sobirà del Rosselló, el mateix dia que s'enregistra l'edicte de Lluís XIV (vegeu l'edicte), el 2 d'abril de 1700, es reuneix i tramet una carta d'objecció a les disposicions de l'edicte.
No tendria gens d'efecte i no modificaria la decisió presa.